PierreLyne

extraits de textes et images

Lundi 28 septembre 2009 à 20:04

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"Les chants de Maldoror, l'hermaphrodite

Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles rayons cette douce figure d'adolescent. Ses traits expriment l'énergie la plus virile, en même temps que la grâce d'une vierge céleste. Rien ne paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines. Il a le bras recourbé sur le front, l'autre main appuyée contre la poitrine, comme pour comprimer les battements d'un coeur fermé à toutes les confidences, et chargé du pesant fardeau d'un secret éternel. Fatigué de la vie, et honteux de marcher parmi des êtres qui ne lui ressemblent pas, le désespoir a gagné son âme, et il s'en va seul, comme le mendiant de la vallée. Comment se procure-t-il les moyens d'existence? Des âmes compatissantes veillent de près sur lui, sans qu'il se doute de cette surveillance, et ne l'abandonnent pas: il est si bon! il est si résigné! Volontiers il parle quelquefois avec ceux qui ont le caractère sensible, sans leur toucher la main, et se tient à distance, dans la crainte d'un danger imaginaire. Si on lui demande pourquoi il a pris la solitude pour compagne, ses yeux se lèvent vers le ciel, et retiennent avec peine une larme de reproche contre la Providence; mais, il ne répond pas à cette question imprudente, qui répand, dans la neige de ses paupières, la rougeur de la rose matinale. Si l'entretien se prolonge, il devient inquiet, tourne les yeux vers les quatre points de l'horizon, comme pour chercher à fuir la présence d'un ennemi invisible qui s'approche, fait de la main un adieu brusque, s'éloigne sur les ailes de sa pudeur en éveil, et disparaît dans la forêt. On le prend généralement pour un fou. Un jour, quatre hommes masqués, qui avaient reçu des ordres, se jetèrent sur lui et le garrottèrent solidement, de manière qu'il ne put remuer que les jambes. Le fouet abattit ses rudes lanières sur son dos, et ils lui dirent qu'il se dirigeât sans délai vers la route qui mène à Bicêtre. Il se mit à sourire en recevant les coups, et leur parla avec tant de sentiment, d'intelligence sur beaucoup de sciences humaines qu'il avait étudiées et qui montraient une grande instruction dans celui qui n'avait pas encore franchi le seuil de la jeunesse, et sur les destinées de l'humanité où il dévoila entière la noblesse poétique de son âme, que ses gardiens, épouvantés jusqu'au sang de l'action qu'ils avaient commise, délièrent ses membres brisés, se traînèrent à ses genoux, en demandant un pardon qui fut accordé, et s'éloignèrent, avec les marques d'une vénération qui ne s'accorde pas ordinairement aux hommes. Depuis cet événement, dont on parla beaucoup, son secret fut deviné par chacun, mais on paraît l'ignorer, pour ne pas augmenter ses souffrances; et le gouvernement lui accorde une pension honorable, pour lui faire oublier qu'un instant on voulut l'introduire par force, sans vérification préalable, dans un hospice d'aliénés. Lui, il emploie la moitié de son argent; le reste, il le donne aux pauvres. Quand il voit un homme et une femme qui se promènent dans quelque allée de platanes, il sent son corps se fendre en deux de bas en haut, et chaque partie nouvelle aller étreindre un des promeneurs; mais, ce n'est qu'une hallucination, et la raison ne tarde pas à reprendre son empire. C'est pourquoi il ne mêle sa présence, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes; car sa pudeur excessive, qui a pris jour dans cette idée qu'il n'est qu'un monstre, l'empêche d'accorder sa sympathie brûlante à qui que ce soit. Il croirait se profaner, et il croirait profaner les autres. Son orgueil lui répète cet axiome: «Que chacun reste dans sa nature.» Son orgueil, ai-je dit, parce qu'il craint qu'en joignant sa vie à un homme ou à une femme, on ne lui reproche tôt ou tard, comme une faute énorme, la conformation de son organisation. Alors, il se retranche dans son amour-propre, offensé par cette supposition impie qui ne vient que de lui, et il persévère à rester seul, au milieu des tourments, et sans consolation. Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. Les oiseaux, éveillés, contemplent avec ravissement cette figure mélancolique, à travers les branches des arbres, et le rossignol ne veut pas faire entendre ses cavatines de cristal. Le bois est devenu auguste comme une tombe, par la présence nocturne de l'hermaphrodite infortuné. O voyageur égaré, par ton esprit d'aventure qui t'a fait quitter ton père et ta mère, dès l'âge le plus tendre: par les souffrances que la soif t'a causées, dans le désert: par ta patrie que tu cherches peut-être, après avoir longtemps erré, proscrit, dans des contrées étrangères; par ton coursier, ton fidèle ami, qui a supporté, avec toi, l'exil et l'intempérie des climats que te faisait parcourir ton humeur vagabonde; par la dignité que donnent à l'homme les voyages sur les terres lointaines et les mers inexplorées, au milieu des glaçons polaires, ou sous l'influence d'un soleil torride, ne touche pas avec ta main, comme avec un frémissement de la brise, ces boucles de cheveux, répandues sur le sol, et qui se mêlent à l'herbe verte. Ecarte-toi de plusieurs pas, et tu agiras mieux ainsi. Cette chevelure est sacrée; c'est l'hermaphrodite lui-même qui l'a voulu. Il ne veut pas que des lèvres humaines embrassent religieusement ses cheveux, parfumés par le souffle de la montagne, pas plus que son front, qui resplendit, en cet instant, comme les étoiles du firmament. Mais, il vaut mieux croire que c'est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en traversant l'espace, sur ce front majestueux, qu'elle entoure avec sa clarté de diamant, comme d'une auréole. La nuit, écartant du doigt sa tristesse, se revêt de tous ses charmes pour fêter le sommeil de cette incarnation de la pudeur, de cette image parfaite de l'innocence des anges: le bruissement des insectes est moins perceptible. Les branches penchent sur lui leur élévation touffue, afin de le préserver de la rosée, et la brise, faisant résonner les cordes de sa harpe mélodieuse, envoie ses accords joyeux, à travers le silence universel, vers ces paupières baissées, qui croient assister, immobiles, au concert cadencé des mondes suspendus. Il rêve qu'il est heureux; que sa nature corporelle a changé: ou que, du moins, il s'est envolé sur un nuage pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que lui. Hélas! que son illusion se prolonge jusqu'au réveil de l'aurore! Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d'immenses guirlandes folles, et l'imprègnent de leurs parfums suaves, pendant qu'il chante un hymne d'amour, entre les bras d'un être humain d'une beauté magique. Mais, ce n'est qu'une vapeur crépusculaire que ses bras entrelacent; et, quand il se réveillera, ses bras ne l'entrelaceront plus. Ne te réveille pas, hermaphrodite; ne te réveille pas encore, je t'en supplie. Pourquoi ne veux-tu pas me croire? Dors ... dors toujours. Que ta poitrine se soulève, en poursuivant l'espoir chimérique du bonheur, je te le permets; mais, n'ouvre pas tes yeux. Ah! n'ouvre pas tes yeux! Je veux te quitter ainsi, pour ne pas être témoin de ton réveil. Peut-être un jour, à l'aide d'un livre volumineux, dans des pages émues, raconterai-je ton histoire, épouvanté de ce qu'elle contient, et des enseignements qui s'en dégagent. Jusqu'ici, je ne l'ai pas pu; car, chaque fois que je l'ai voulu, d'abondantes larmes tombaient sur le papier, et mes doigts tremblaient, sans que ce fût de vieillesse. Mais, je veux avoir à la fin ce courage. Je suis indigné de n'avoir pas plus de nerfs qu'une femme, et de m'évanouir, comme une petite fille, chaque fois que je réfléchis à ta grande misère. Dors ... dors toujours; mais n'ouvre pas tes yeux! Adieu, hermaphrodite! Chaque jour, je ne manquerai pas de prier le ciel pour toi (si c'était pour moi, je ne le prierais point). Que la paix soit dans ton sein! * * * * *

Vendredi 25 septembre 2009 à 21:30

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village médiéval de Pérouges ( Ain )

Vendredi 25 septembre 2009 à 21:27

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Les femmes en noir de Saint-Etienne

Coalition des Femmes pour une Paix Isräelo-palestinienne Justes
Tous les Vendredis de 17h à 18 heures
Place Marengo - Saint- Etienne

Vendredi 25 septembre 2009 à 21:19

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Les femmes en noir de Saint-Etienne


Les femmes en noir de Saint-Etienne
Coalition des Femmes pour une Paix Isräelo-palestinienne Justes
Tous les Vendredis de 17h à 18 heures
Place Marengo - Saint- Etienne

Jeudi 17 septembre 2009 à 11:06

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Céline

MORT A CREDIT 13


Qu'ils crachent! Qu'ils se désossent! Qu'ils s'empédèrent! Qu'ils
s'envolent avec trente mille gaz dans le croupion!... Je m'en
tartine!... Mais la pleureuse elle m'agrafe, elle se pend vache-
ment à mon cou, elle me souffle son désespoir. Il est plein de
« rouquin »... Je suis pas de force à lutter. Elle me quittera
plus. Quand on sera dans la rue des Casses qui est longue et
sans lampe aucune, peut-être que je vais lui refiler un grand
coup de pompe dans les miches... Je suis lâche encore... Je me
dégonfle... Et ça recommence, la chansonnette. " Ma petite
fille!... Je vous en supplie, Docteur!... Ma petite Alice!... Vous
la connaissez?.. » La rue Rancienne c'est pas si près... Ça me
détourne... Je la connais. C'est après les Usines aux câbles...
Je l'écoute à travers ma berlue... « On n'a que 82 francs par
semaine... avec deux enfants !... Et puis mon mari qui est
terrible avec moi !... C'est une honte, mon cher Docteur !... »
Tout ça c'est du mou, je le sais bien. Ça pue le grain pourri,
l'haleine des pituites...
On est arrivé devant la tôle...
Je monte. Je m'asseye enfin... La petite môme porte des
lunettes.
Je me pose à côté de son lit. Elle joue quand même un peu
encore avec la poupée. Je vais l'amuser à mon tour. Je suis
marrant, moi, quand je m'y donne... Elle est pas perdue
la gniarde... Elle respire pas très librement... C'est congestif c'est
entendu... Je la fais rigoler. Elle s'étouffe. Je rassure la mère.
Elle en profite, la vache, alors que je suis paumé dans sa
crèche pour me consulter à son tour. C'est à cause des marques
des torgnioles, qu'elle a plein les cuisses. Elle retrousse ses jupes,
des énormes marbrures et même des brûlures profondes. Ça
c'est le tisonnier. Voilà comme il est son chômeur. Je donne un
conseil... J'organise avec une ficelle un petit va-et-vient très
drôle pour la moche poupée... Ça monte, ça descend, jusqu'à la
poignée de la porte... c'est mieux que de causer.
J'ausculte, y a des râles en abondance. Mais enfin c'est pas
si fatal... Je rassure encore. Je répète deux fois les mêmes
mots. C'est ça qui vous pompe... La môme elle se marre à pré-
sent. Elle se remet à suffoquer. Je suis forcé d'interrompre.
Elle se cyanose... y a peut-être un peu de diphtérie? Faudrait
voir... prélever ?.... Demain !....
Le papa rentre. Avec ses 82 francs, on se tape rien que du
cidre chez lui, plus de vin du tout. «  Je bois au bol. Ça fait
pisser! » qu'il m'annonce tout de suite. Il boit au goulot. Il me
montre... ou se congratule qu'elle est pas si mal la mignonne.
Moi c'est la poupée qui me passionne... Je suis trop fatigué pour
m'occuper des adultes et des pronostics. C'est la vraie caille les
adultes! J'en ferai plus un seul avant demain.

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